Londres, Royaume-uni, vingt-neuf août milles neuf-cent quatre-vingt treize.
C'est ici que commença ta vie. C'était un grand palais au sud de l'Angleterre. Tout entouré de champs, d'herbe et d'animaux. C'est ça l'Angleterre, du moins, c'était comme ça chez toi. Vide, presque pas de vie, froid, mais des paysages a coupé le souffle. Tes parents étaient des personnes qu'on peut qualifier de « bourges », surtout ton père. Lui qui veut reprendre le contrôle du « royaume » comme il l'appelle, endroit où son arrière-grand-père et le père de celui-ci et ainsi de suite, avaient régné pendant plusieurs générations. Ta mère quant à elle, courait à gauche et à droite, cherchant de l'information pour l'aider du mieux qu'elle le pouvait dans ses démarches, n'étant jamais dans leur résidence. Sinon, elle partait dans l'une de vos nombreuses habitations secondaires aux quatre coins du monde. Tout deux venaient de famille d'ancien noble, et ils avaient gardé leurs bonnes manières, leur savoir-vivre, leur principe et surtout leurs règles de vie. Tu venais de naître et ta mère avait entièrement aménagé une vaste pièce, voisine de la leur, pour toi, leur bébé. Ta mère avait été consultée une voyante et cette dernière lui prédit un fils et une fille, mais que deux terribles événements allaient se produire, par contre, elle ne savait malheureusement de quoi il s'agissait. Ta mère ne prit pas trop compte de ces événements et prépara ta venue avec impatience. Et cela arriva, elle tomba enceinte de toi quelques jours plus tard, mais il fallait absolument qu'ils soient mariés avant de te recevoir dans la famille. Vous savez, les bonnes manières ? L'héritage d'une famille, vivre dans l'harmonie avec les louanges de Dieu ? Ils étaient heureux de devenir parents. Dès ton arrivé au manoir, c'est Daria, une nourrice, qui s'occupait de toi. C'est elle qui te donnait le biberon, ta mère ne voulant pas te haleter, c'est également elle, qui jouait avec toi. C'est elle aussi qui s'occupait du reste de la maison. C'est-à-dire, le ménage, laver les vêtements, faire la cuisine. Tout, absolument tout ! Il n'y a rien qu'elle ne faisait pas. C'était trop dégradant certainement, changer la couche ou de faire rire aux éclats un petit bout de chou. Seulement, c'était comme ceci que leurs parents les avaient éduqué. Cela faisait partie d'eux, c'est ce qu'ils étaient. Et qui font fait de toi ce que tu es aujourd'hui. Alors, tes premières années, tes premiers pas, tu les dois tous à Daria. C'est elle qui t'a appris à parler, à marcher. C'était une femme extraordinaire. Elle était également très jeune, elle devait avoir environs quinze ou seize ans de plus que toi et c'était une Russe. Tes parents l'avaient retrouvé dans la rue un jour de pluie et lui avaient promis de l'héberger et de la nourrir, si elle devenait leur femme à tout faire. Leur gouvernante en d'autres mots. Elle a donc sauté sur l'occasion et c'était un peu comme ta mère. Le jour de ta naissance, ta mère était assise, dans son canapé, lisant un roman d'amour lorsqu'elle eut ses toutes premières contractions. C'est Daria qui l'emmena à l'hôpital, ton père était trop occuper à essayer de reprendre le contrôle, et ne voulait pas être présent à l'accouchement, alors hors de question de le prévenir. Quelques heures plus tard, elle avait accouché. Tu étais resté à la pouponnière, en compagnie de ta nourrice, ta mère, elle voulait se reposer. La première fois que tu as vu ton père, c'était donc trois jours plus tard, quand tu as fait ton entrée au royaume.
À l'école, très rapidement, les autres se montraient distants avec toi. Pourtant, vous portiez tous les mêmes uniformes, et viviez selon les règles qui se donnaient à la maison. Visiblement, ça ne plaisait pas aux autres. Ils te trouvaient trop distingué, trop différent d'eux. Mais, tu ne pouvais malheureusement pas faire autrement. Toute ton enfance, tu avais entendu : « Ne fais pas ça. », « Arrête de rire de cette façon, ce n'est pas bien. », « Tiens-toi droit. » Rien n'allait comme tu le souhaitais, mais tu faisais tout pour que tes parents soient fiers de toi, qu'ils s'aperçoivent que tu existais réellement. Tu te conduisais de manières irréprochables, tu étais irréprochable tout simplement, c'est bien le mot ! Mais, ils ne le voyaient même pas. Tu revenais souvent avec des bleus sur le corps et ils ne s'en apercevaient même pas. C'était toujours Daria qui te soignait, qui prenait soin de toi. Par contre, tu savais qu'ils t'aimaient, mais ne savaient pas pourquoi ils ne faisaient pas attention à ta personne. Chaque jour, tu donnais le meilleur de toi, même si ce n'était pas facile à l'école, mais tu persistais parce qu'il fallait garder en tête que tu venais de ce genre de milieu et tu ne pouvais faire autrement. Quand tu en avais assez, tu partais te réfugier dans la forêt qui entourait le palais, puis tu écrivais, tout ce que tu aimerais recevoir de tes parents. Tu ne demandais pas grand-chose, seulement, un peu d'attention de leurs parts. Était-ce trop demandé ? Tu étais triste, mais ce n'était pas grave, tu aimais ta vie, tu avais très peu d'amis, mais ceux-ci étaient toujours là pour toi. Et surtout, tu faisais honneur à tes parents.
Finalement, tes efforts pour rendre tes parents heureux et fiers de toi, n'étaient pas totalement vains. Le jour de tes douze ans, ta mère t'appela dans le salon, elle et ton père s'y trouvaient. Ils avaient quelque chose de très important à t'annoncer. Tu voyais le sourire que ta mère abordait sur ses lèvres et tu étais heureux de la voir ainsi. C'était rare maintenant qu'elle sourît. Ils te disent alors de venir t'asseoir avec eux sur le canapé. «
Camden, ta mère et moi trouvons que nous n'avons pas été très présents pour toi ces dernières années. Nous voyons que ça t'affecte. Alors, nous avons décidé que Daria n'allait plus s'occuper de toi et que nous prendrons sa place à partir de maintenant. » Ton père dans toute sa splendeur. Toujours là avec ses discours. Il aurait très bien pu tout simplement te le dire directement sans ses longues phrases. Un sourire se dessina sur tes petites lèvres, et tu sautas dans les bras de ta mère qui te serra fortement dans ses bras. Ton père vint rapidement se joindre à vous. C'était le tableau d'une famille parfaite. Tu aurais dû vous prendre en photo. Depuis ce jour, c'est ta mère qui te faisait l'école à la maison, elle croyait que ça allait être mieux pour toi puisque tu n'étais pas du même monde que les autres adolescents de ton âge. Tu ne comprenais pas, mais tu ne disais rien, heureux de passé du temps avec ta mère. Tout allait pour le mieux, tu aimais cette vie, tu t'y sentais bien.
Tu avais seize ans lorsque ta mère vous annonça, à ton père et toi, qu'elle était enceinte. C'était un miracle puisque les médecins lui avaient dit qu'elle ne pourrait plus enfanter. Elle approchait de la quarantaine et ça devenait risquer, mais elle ne s'en faisait pas. Elle était fière et c'est tout ce qui comptait à tes yeux. Très vite, tu appris que tu allais avoir une petite sœur. Tu prenais plaisir à cette nouvelle, tu aidais ta mère pour la chambre d'Ingrid, oui, ils avaient décidé de l'appeler ainsi. Tu t'imaginais déjà grand frère, tu avais hâte de lui apprendre des choses, de la voir grandir, la voir s'épanouir, de lui faire découvrir la vie. Un soir de février, tu étais devant ta fenêtre, guettant le chemin en face du palais. C'est aujourd'hui que ta petite sœur arrivait avec tes parents. Elle avait deux jours et tu ne l'avais pas encore vue. Quand enfin, tu vis la voiture de ton père arrivé, tu te précipitas vers la porte d'entrée, descendant les escaliers qui menaient au rez-de-chaussée le plus rapidement possible, manquant même de tomber comme d'habitude, puis ouvrir l'immense porte pour, pouvoir voir apparaître tes parents et Ingrid. Le lendemain matin, alors que tu venais tout juste de te faire réveiller par les cris incessants de ta sœur. Tu traversas donc le couloir et entras dans la chambre d'Ingrid. Elle pleurait toujours, mais lorsqu'elle te vit, elle commença à gazouiller tout en faisant des bulles. Elle était vraiment jolie, tu la pris dans tes bras, puis tu la regardais et la berçais assis sur une chaise berçante dans un coin de la chambre.
Tu l'admirais, elle était si paisible. Tu voulais la protéger coûte que coûte. Tout doucement, tu te levas de la chaise, puis sortie de la chambre, voulant aller lui donner le biberon. Tu commenças à descendre les escaliers, jusqu'au moment où tu trébuches. Après ta chute, et encore un peu sonné, tu regardais si tu n'avais pas trop eu mal, puis te releva difficilement avant de voir Ingrid, sans vie, sur le sol, tout juste au pied des escaliers.
« Non » hurlas-tu de toutes tes forces. Ta mère accourue aussitôt suite à ton hurlement et resta figé. Une main sur la bouche, incapable de bouger. Tu pleurais encore et encore sans être capable de t'arrêter et ton père arriva à ce moment-là. Il prit Ingrid dans ses bras et te regarda. Tu te levas aussitôt, ayant peur et alla t'enfermer dans la salle de bains. Adossé à la porte, tu fixais un point imaginaire en avant de toi et pleurais toujours et encore plus. Tu avais tué ta petite sœur, tu étais un meurtrier. Malgré que tes parents t'appellent, tu ne bougeais pas, voulant rester seul dans ton chagrin. Lorsque soudain la voix de ta mère se fit entendre tout juste l'autre côté de la porte. Elle s'était assise dos à toi. «
Je sais que c'est un accident mon cœur, on ne t'en veut pas... mais Camden, sort de la salle de bains. » Tu n'étais pas capable de l'entendre pleurer, tu ne voulais pas la voir, ni l'entendre. Tu te sentais vraiment trop coupable. Tu restas toujours là sans bouger, ni parler et ta mère fini par partir en voyant qu'elle n'obtiendrait rien de toi. Tu étais traumatisé. Chaque fois que tu voyais tes parents, tu revoyais les images de ta sœur sans vie, par terre. C'était comme si tu tuais Ingrid à nouveau. Tu n'en pouvais plus, c'était trop pour toi, tu fis une tentative de suicide, tu te coupas les veines du poignet. Ton père ayant entendu tes cris, défonça la porte quelques minutes plus tard et te trouva inconscient sur le parquet froid en marbre de la salle de bains. La dernière parole que tu compris était celle de ton père. «
Ne pars pas, Camden, restes avec moi, mon grand. » Et puis trou noir.
Tu te réveillas une semaine plus tard. Tu vis alors ta mère, elle pleurait. «
Maman... » dis-tu. Elle se leva et te prit doucement dans ses bras, pour ne pas me faire mal. «
Camden. Pourquoi tu nous as fait ça ? Ne fais plus jamais ça, je t'aime mon cœur. » «
Je suis désolé, maman... » Pleuras-tu également. Lorsque tu sortis de l'hôpital, tu fis part à tes parents de vouloir quitter le pays, refaire ta vie à neuf. Tu ne savais pas où aller, mais tu avais besoin de changer d'air. Tu étais en train de mourir à petit feu, il fallait que ça s'arrête. Alors, tu fis tes valises et partis sur le pouce jusqu'à te rendre dans l'Ohio. Une grande ville s'appelant Columbus attira ton attention. Arrivé là-bas, tu te promis de ne jamais avoir de sentiment. Si tu perdais encore une personne chère à tes yeux, tu n'allais pas survivre. Seulement, dans l'Ohio, on te traitait de Bourgeois, de coincer du cul, de cul-serré. Toutes les insultes concernant les personnes ayant une certaine notoriété sociale, tu les as entendues. Mais tu passais au-dessus de toute ça, plus aucun sentiment, alors tu les laissas parler. Tu t'inscris à l'Université et devins rapidement étudiant en management logistique et en finance. Tu te sentais mieux, un peu. Pour seuls souvenirs de cette année atroce que tu avais vécue en Angleterre, des cicatrices sur tes poignets. Quand tu les regardais, tu te rappelais qu'aimer, que culpabiliser, c'était être faible. Tu t'enfermas dans une carapace qui t'empêchait de t'attacher aux autres.
Sans cœur, voilà ce que tu es aujourd'hui. Avant la mort accidentelle de ta petite sœur, tu étais tout le contraire, tu aimais être seul, mais trouvais aussi ton compte en étant avec des amis. À présent, tu es arrogant, manipulateur, tu te mets en colère pour un rien. Dans le seul espoir que personne ne s'éprenne de toi. Pourtant, quelque part, au fond de toi, il reste encore cette part de bon, tu es toujours le même, sauf que tu te caches derrière ses airs arrogants, c'est ta façon de te protéger, mais tu sais très bien qu'une personne est capable de te faire changer, de percer cette carapace, mais tu es déterminé, et ne veux pas que cette carapace soit percée, parce que grâce à elle, tu va mieux depuis six ans. Tu vis de la richesse de tes parents, du sport dans lequel tu t'es inscris en arrivant à l'université. Tu as bien beau avoir du sang royal dans les veines, tu t'en fiches. Pour toi, tu ne fais plus partie de cette famille. Tu as quitté l'Angleterre, laissant tout le monde en arrière, même ta petite-amie, que tu n'aimes même pas. Elle est probablement, dans les bras d'une autre, mais c'est le dernier de tes soucis. Et surtout, tu penses que personne ne t'arrives à la cheville, tu te crois au-dessus de tout le monde. Tu as été élevé dans une famille riche, même très riche, qui t'avait mis cette idée en tête : « Nous sommes riches donc supérieurs aux autres. » Et tu respectes bien cette valeur familiale.