J'aimerais souffler la joie, embellir l'air d'étoiles et briller. Briller comme une lumière, étinceler les cœurs, les âmes et valser avec le bonheur. Connaître les peaux, lire les yeux et câliner les solitaires. Je voulais pleurer l'art, toucher la peinture, sentir l'argile, goûter la musique, entendre le cinéma. J'étais avide de tout, du monde, des gens, des objets, de la vie. Je rêvais d'être libre, amoureuse, entière, épanouie. J'étais rêveuse. Puis je suis montée en amour. Et un jour, je me suis mise à fumer à cause d'un chagrin d'amour.

L'éternelle petite fille, à qui en demande toujours trop. L'éternelle gamine, celle qu'on criait trop. L'éternelle solitaire, qu'on étouffait trop. J'étais partagée entre ce que l'on voulait de moi, les attentes, l'image, la beauté, l'excellence. Et ce que j'étais. Puis en grandissant, une question m'est apparue. Qu'est-ce que j'étais ? Cette fille riche, jolie, sérieuse et studieuse puis continuellement heureuse. Ou l'âme solitaire, suicidée solidaire, qui pleurait devant l'univers. Je repensais à avant, à l'époque où je me sentais entière et vivante. Je mangeais la vie, je dormais la vie, je sentais mes pas exister sur cette Terre trop souvent maltraité. Que c'était-il passé ? Les années, la réalité, les responsabilités, le temps qui passe. Léo. C'était pas le premier, mais jusqu'à présent il demeurait simplement, l'amour de ma vie. De sa  folie, de sa tendresse, de son amour, de son ivresse, de sa beauté, de son savoir, il rayonnait. Il était la lumière, le second souffle, l'autre partie. Je n'osais pas imaginer ma vie sans lui, je ne pouvais pas penser à perdre un pilier. Mais le voilà, parti, envolé. « je ne t'aime plus » mon amour. Finalement, j'ai noyé mon chagrin dans le café et dans les nuits éphémères.

J'ai perdu une année, une année à pleurer, à maltraiter mon corps et mon cœur. J'étais insortable, j'étais la bête noire, papa grondait, maman s'inquiétait. C'était le schéma de la famille, une mère trop encombrante, un père trop superficiel. Et l'argent. N'oubliez pas l'argent, durant cette année, j'ai été envoyé en cure thermale, plusieurs fois. « reprends toi, on ne t'a pas élevé comme ça » qu'il tonnait à mes oreilles mon paternel. Puis j'ai réalisé que Léo m'avait enterré, seulement je n'étais pas morte, je n'étais qu'une graine qui cherchait à grandir. Alors j'ai relevé la tête, j'ai fumé ma dernière cigarette, et j'ai été courir. Me vider l'esprit, jusqu'à perdre haleine. J'étais à bout de mes capacités mais je restais debout. Je regardais mon ombre, derrière laquelle je me cachais, qui venait à disparaître. Je ne tombais plus du haut de la falaise, je la grimpais, plus déterminée que jamais. Et je murmurais à mes frères la plus belle des promesses « je vais reprendre goût à la vie ».

J'aurais pu partir, loin, vivre de voyages à travers les pays du monde, de connaissances, de pauvreté, d'un peu de solitude et d'aventures. Mais la seule chose que je souhaitais, c'était être aux côtés de mes frères. Alors j'y suis allée aussi à l'université, je faisais mon entrée en première année, dignement. Je faisais de mon père l'homme le plus comblé et de ma mère, la femme la plus seule de notre famille. Mais j'apprenais doucement à revivre, à sentir mon palpitant, les battements d'une vie que j'ai trop négligé. La mienne. Mais tout allait changer, tout avait déjà évolué.