‹ Pacosis ›

Il faut être honnête. Némésis n’était pas une fille bien. Elle mentait souvent, faisait des conneries, commettait des crimes mineurs, et se droguait parfois. Némésis ruinait pas mal de trucs à vrai dire, mais au moins elle était douée à ça. Et elle était douée pour se ruiner et faire des conneries. Le truc, c’est qu’on pouvait pas en dire autant de son nouveau petit protégé. Enfin, pas petit, parce que le gosse était plus vieux, mais il avait bien plus pur, bien plus innocent et naïf qu’elle, comme un enfant, ouais, comme un gamin. Némésis aimait pas les gosses, mais elle aimait les défis, défendre les faibles, et prendre des responsabilités. Ce soir, c’était soirée responsabilité. Et ça lui faisait du bien d’avoir un pote mec dont elle n’était pas amoureuse. Elle prépara son vieux sac Jansport, et grimpa sur sa trottinette, direction l’hôpital. Elle savait ou il était, et elle descendit les pentes de la ville à toute vitesse pour le rejoindre, et faut pas croire, mais une trottinette, c’est super intense. Némésis plia sa trottinette et rentra. Elle monta directement au quatrième étage, sans passer par l’accueil, et chercha son gamin dans toutes les salles. Elle finirait bien par le trouver, non ? Elle aimait les hôpitaux. L’odeur du propre, l’aspect froid, presque mythique, comme un monde gelé par la maladie. Elle ouvrit la porte de la réserve et ferma les yeux en soupirant de désespoir Paco, bordel! Qu’est-ce que tu fous encore putain? On avait dit quoi? Stop les médocs sale gamin, tss.

T’es en équilibre sur l’escabeau, fouillant les différents placards pour essayer de trouver des produits nouveaux. Ton cousin t’a filé une liste, mais t’y connais pas grand-chose en dehors des habituels Vallium et Stilnox. Et bien sûr, tu n’vas pas aller demander aux infirmières où tu peux te dégoter ces trucs-là. Quoique … t’en aurais bien été capable. Perché sur le meuble instable, il ne te faut pas plus d’une voix qui s’élève dans ton dos pour te faire vaciller. Tu tentes bien de te rattraper, mais c’est au détriment de flacons et de matériel médical qui se répandent sur le sol dans un grand fracas. Là où toi aussi t’atterris, allongé comme une étoile de mer. Aïe. Tu te redresses sur un coude pour constater que t’as flippé pour rien. Que c'est Némésis, qui te réprimande. Ta petite Némésis. Celle à qui tu voue un culte et à laquelle t’aurait voulu ressembler, si t’avais été une fille. Même en tant que mec d’ailleurs, t’essaies parfois de suivre son exemple. Pour être plus fort. Plus confiant. Plus libre. Certains ont beau te répéter que c’est pas une fille bien, que c’est une mauvaise influence, tu ne les écoutes pas. C’est parce qu’ils ne la connaissent pas vraiment. Même si tu sais qu’elle est mal placée pour te faire la morale. Justement, ça prouve que c’est quelqu’un de bien puisqu’elle ne veut pas que tu fasses les mêmes erreurs qu’elle. « Bordel, tu m’as fait peur ! » Tu t’exclames en esquissant un sourire, heureux de la voir débarquer par surprise. N’empêche, elle aurait pu toquer d’abord histoire de t’éviter la crise cardiaque. Tu te relèves doucement, mais quand tu fixes tes yeux sur les dégâts que tu viens de causer, t’es plus aussi optimiste. « J’suis désolé Némé, j’ai essayé de lui dire mais il veut rien entendre. » Ton cousin, tu veux dire. Celui qui dirige les opérations et qui ne manque pas une occasion de te tabasser si tu fais les choses de travers. Tu fais la moue, puis tu t'accroupis pour commencer à ramasser les cachets éparpillés autour de toi. Evidemment t'as fait tomber des trucs liquides, sinon ça n'aurait pas été drôle. « Tu crois que c'est possible que j'ai libéré un virus du genre ebola ? » Tu demandes naïvement la gorge nouée, sans faire gaffe une seconde à l'énorme morceau de verre fiché dans ton pied gauche.

Quand on est jeune on prend tout à la légère et on peut pas être déçu. Mais c’est encore un truc sur Némésis : elle est tout le temps déçue et exaspérée mais pourtant elle adore ça. Parce que être déçue lui permet d’apprécier chaque plaisir de la vie. Debout, dans le cadre de la porte, Némésis observe le gosse avec son petit air légèrement exaspéré, mais un sourire éclaire son visage. Elle referme la porte derrière elle et le regarde, les bras croisés. « Paco, Paco, Paco… » Il la fait bien marrer, mais elle a de la peine pour lui, parce qu’à chaque fois il s’attire les pires couilles, et il mérite pas ça. C’est vrai bordel, Paco est trop gentil et ça se retourne comme lui. Némésis aurait presque envie de l’adopter pour le sauver de tout ça. De le kidnapper puis de s’exiler au Pérou. « Bordel, tu m’as fait peur ! » Elle le regarde plus haut que lui, mais sans jamais être hautaine. Elle a trop de peine, c’est vrai. Dans une autre vie, il aurait pu diriger le monde, ou être un mec sans soucis, mais voilà. Il était bloqué dans celle ci, de vie. Elle s’agenouilla pour l’aider. Elle avait eu des problèmes de drogues, elle avait rencontré des types dangereux et elle voulait juste l’aider. « J’suis désolé Némé, j’ai essayé de lui dire mais il veut rien entendre. » Une main sur l’épaule de Paco, la seconde en train de ramasser les bouts de verre, Némésis se coupe aux phalanges mais elle s’en moque, parce qu’il a l’air sain et sauf pendant quelques secondes. Et puis il l’a fait rire, parce qu’elle n’a pas besoin de faire d’efforts avec lui. Avec Flynn ou Julian, c’est différent, parce qu’elle doit toujours retenir ses mots et ses pensées, mais avec Paco elle n’a plus de soucis. « Tu sais Paco, j’ai un peu peur pour toi. Il est dangereux ce gars. C’est peut-être ton cousin mais si quelqu’un se fait pincer, pour le traffic tout ça, ce sera toi le seul coupable pour les flics. » En plus des coupures, il y a une espèce de substance liquide bizarre au sol, qui lui brûle les doigts. Elle sourit toujours, mais moins qu’avant, il y a de l’inquiétude dans son regard. Paco n’a pas l’air blessé, et tant que le gamin va bien, il n’y a pas de soucis. Elle cache sa main et essuie ses doigts sur son jean. Mais quel hôpital de ratés! Les flacons, avec les cachets? Beh voyons, c’est malin ça. « Tu crois que c'est possible que j'ai libéré un virus du genre ebola ? » Cette fois ci, elle n’en peut plus, et elle éclate de rire, s’asseyant, le dos appuyé contre le meuble. Si c’est ça, elle l’a attrapé en se coupant, et la mort viendra vite. C’est pas un rire de joie, loin de là, c’est nerveux, mais elle espère que Paco ne le comprendra pas, ça, Parce qu’elle se dit que si il la voit heureuse, il croira toujours en elle, il garde confiance et il pourra se battre pour une vie meilleure. « Je sais pas mais t’es pas malin Paco, va tout falloir que je t’apprennes ou quoi? Voler c’est mal, mais mal voler, c’est pire ! »